Scène actuelle

Beirut, dans le son déchiré d’un accordéon rance

Ovni de la scène pop/rock indépendante américaine, Beirut brasse un folklore exalté et mélancolique. Un croisement sonore inattendu.


  Auteur: Emmanuel     Date: 28/03/2009

 

BEIRUT
Dans le son déchiré d’un accordéon rance





Un éclatement géographique

C’est une musique pour bars enfumés, pour ports déserts juste avant l’aube, pour marins noyés dans la bière. C’est un orchestre vagabond qui erre dans les rues désertes d’une ville perdue des Balkans, un dimanche (The Gulag Orkestar). Au milieu de ce foutoir qui peut paraître désuet, il y a un garçon qui s’époumone : Zach Condon, le chanteur et leader de Beirut.

Zach a voyagé en Europe. Et ce sont ses voyages qu’il met en musique (Postcards form Italy). Il s’est approprié ce vieux foklore bringuebalant et l’a mélangé à des ritournelles pop. Musique tzigane, balkanique et anglo-saxonne s’agrègent à merveille. De ce mélange de cultures populaires naît une musique lyrique, euphorique et mélancolique. Les cadres géographiques et musicaux éclatent. Beirut crée quelque chose de neuf et d’ancestral.

A chaque album un lieu, ou presque. Il y a d’abord eu un voyage entre l’Allemagne et Bratislava sur Gulag Orkestar, le premier album du groupe. Ensuite, a suivi The Flying Club Cup, où le groupe, tout en restant dans le même registre, a été poser ses valises en France. Francophile, Condon a, par ailleurs, repris le moribond de Brel sur le Elephant Gun EP. Enfin, dernièrement, c’est au Mexique que Beirut est allé puiser son inspiration avec le double EP March of the Zapotec/Holland.

Il est difficile de poser des mots sur cette mélancolie dansante, sur le foklore triste et entêtant de Beirut. C’est peut-être l’agitation du monde ou la douce tristesse d’exister. C’est, à coup sûr, un joli bordel balkanisé, mais avec une âme. Tout cela va bien au delà du simple folkore. Il y a de la vie dans cette musique.


Le goût de l’errance

De façon générale, les compositions de Beirut sont habitées par le mouvement, l’agitation, le souffle. C’est le mouvement irrésistible de la vie, qui pousse au voyage. La forte présence d’instruments à vent y est pour quelque chose. Saxophone, trompettes, voix et accordéons créent un tourbillon qui donne parfois le tournis.

Au sein de cette curieuse fanfare, le chant est un élément central. Il fait le charme de l’ensemble. Parfois simple instrument, il peut se faire plus présent et plus libre. Les envolées sont nombreuses et le tremolo de Zach fait merveille. C’est une musique de l’errance. Où l’on chante la joie en oubliant presque sa peine.

Ici, on peut penser à l’Ivrogne de Brel :

« Ami remplis mon verre
Encore un et je vas
Encore un et je vais
Non je ne pleure pas
Je chante et je suis gai
Mais j’ai mal d’être moi
Ami remplis mon verre
Ami remplis mon verre »

Zach Condon chante comme il respire (Elephant Gun). A chaque instant, il expire les mille vies qu’il n’a pas vécu. Ces vies qui, pourtant, semblent avoir été les siennes. Car sa voix trimbale fantômes, danses et ivresses (Un dernier verre (pour la route)). Ce chant, c’est la respiration d’une âme cabossée par les voyages, le vin et les femmes. C’est le souffle d’un vieil homme ivre, titubant dans la tempête. Et pourtant, Condon n’a que 23 ans (19 à la sortie de son premier album).

A ce jour, Beirut a sorti 2 albums et une foule d’EP. Pour commencer, on recommandera l’écoute des deux premiers albums : Gulag Orkestar et The Flying Club Cup. Pour approfondir, du côté des EP, il y a le Lon Gisland EP (sorte de suite de Gulag Orkestar), le Pompeii EP et le Elephant Gun EP. A noter aussi : la sortie récente du double EP March of the Zapotec/Holland. Dans la première partie du disque, les américains se transforment en orchestre funéraire d’Amérique latine. La seconde partie permet d’explorer une partie méconnue des travaux de Condon, des petits bidouillages electro qui restent tout de même marqué par le style Beirut.


Le génial clip de Elephant Gun :




Le concert à emporter de Nantes :






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“Il faut danser la vie” Nietzsche

"Au plus élevé trône du monde nous ne sommes encore assis que sur notre cul" Montaigne