Musique en sourdine

Brotherhood (1986), New Order

Entre Suicide (1977) et Kid A (2000), un album charnière dans l’histoire de l’electro-rock – et de la musique avant tout.


  Auteur: Raphael B     Date: 23/01/2009

 

A l’heure où l’on semble prêter un culte renaissant pour Joy Division, moins pour son apport révolutionnaire à la cold wave que pour son leader, Ian Curtis, énième symbole macabre et pseudo-romantique d’une impossibilité de vivre dans un monde toujours prêt a étouffer nos pulsions, les « grands » adolescents en mal d’identification oublient trop souvent la suite de l’histoire, celle qui a suivi le fatidique passage au crematorium, celle de New Order. Formée par Peter Hook, Stephen Morris et Bernard Sumner, les musiciens de Joy Division, la formation mancunienne travaillait dès 1980 à revitaliser le rock anglais pris dans le carcan du post-punk avec des groupes cependant géniaux comme The Cramps, Siouxsie and the Banshees ou encore The Cure. Renonçant peu à peu aux aspirations morbides et nihilistes des débuts, New Order dessinait d’album en album les contours raffinés d’un rock électronique résolument optimiste. Alors pourquoi “Brotherhood”, album sous-estimé, plutôt que les renommés “Low-life”, “Power, Corruption & Lies” ou encore “Technique” ?
“Brotherhood” serait la pierre angulaire de toute la production musicale anglaise des années 80, juste ça. Gardant le minimalisme technique, la raideur rythmique (indéniablement sexuelle) et le sombre envoûtement propres au post-punk, dévoilant un romantisme en diable à la manière des Smiths, un sens de la mélodie qui fera envier tout l’héritage brit-pop, un son kitsch synthétique inimitable qui influencera toute la musique electro des années 90, New Order nous offrait ici un album luxuriant, à l’homogénéité remarquable malgré l’étendue des styles abordés. Deux parties, dix chansons, les cinq premières résolument rock et punk, les autres, electro et pop. Chaque partie ouverte par un chef d’œuvre – “Paradise” et “Bizarre Love Triangle”.
Cette capacité rare à fondre dans un même creuset une telle variété de « genres » - je parlerai plutôt ici de sensations musicales – sera pourtant à l’origine du relatif mépris qui entourait l’album. Pas assez punk pour les uns, pas assez electro pour les autres, trop pop, trop dansant, trop commercial, pas assez déprimant… Une œuvre simplement hors norme qui fait prendre conscience de la futilité qu’il y a en musique, à se focaliser sur des étiquettes dont on médite peu la valeur et qui nous privent de sensations nouvelles et authentiques. Un album qui vous fera oublier vos principes inconscients de « hiérarchie musicale » pour vous donner simplement envie de vous dandiner en pianotant frénétiquement du doigt un synthé, quelque part dans un sordide clip au décor étoilé. Sans oublier la mèche rebelle... C’est ça les années 80, une certaine idée du romantisme et serait bien bête quiconque s’en priverait. Car en terme d’intelligence musicale, on n’a peut-être pas fait mieux depuis…


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“Il faut danser la vie” Nietzsche

"Au plus élevé trône du monde nous ne sommes encore assis que sur notre cul" Montaigne