Des rails de la seule ligne ferrée du Monténégro aux rails cabossés des trams de Lisbonne, que voyons-nous ? Deux lignes métalliques et brillantes qui coupent le sol pour aller au-delà, rien de plus... Les rails sont ces traces immortelles des vadrouilleurs. Ce sont les routes déjà tracées qu’il ne reste plus qu’à prendre. C’est le point de touche des voyageurs pionniers et des modernes, c’est ce « tout est permis » qui nous montre quelle voie suivre et qui nous montre qu’au final les deux rails se rejoignent. Le voyage nous rapproche alors de nous même nous en éloignant au départ.
Je veux être ces rails qui creusent l’écart en fuyant. Je suis les rails qui se rejoignent inexorablement au fond de l’horizon. Je ne suis ce que je suis qu’une fois la route achevée, or cette route comme les rails n’a pas de fin, c’est deux lignes de fuites qui vont dans l’infini. Alors chaque fois que des rails apparaissent toujours cette envie de se perdre. Toujours cette envie d’aller plus loin et de chercher finalement une beauté qui ne se trouve qu’en soi.
La vertu du voyage comme disait Nicolas Bouvier c’est de "purger la vie avant de la garnir", c’est même de savoir simplement quoi garnir et avec quoi. Soi, c’est le but nécessaire du voyage, et aussi l’image apparente des rails de trams, de trains, de métro, de tout. Bougeons en nous quand nous voyons des rails pour découvrir en soi la vraie ligne de fuite.